Conférence prononcée par Roland Joseph à l’Université Publique du Sud-Est à Jacmel (UPSEJ), Haïti, sur le thème « Le rôle de l’éducation à la paix dans la construction d’une société haïtienne pacifique », le samedi 18 mai 2024 ; sponsorisée par le Bureau International de la Paix (BIP).

Bonjour à tous ! Je tiens tout d’abord à remercier Dre Kiria Despinos pour cette introduction. Je souhaite exprimer ma gratitude aux responsables de l’Université Publique du Sud-Est à Jacmel (UPSEJ), notamment à la rectrice, Dre Magadala Jean Baptiste, de m’avoir invité à intervenir sur un thème qui revêt une importance particulière dans un contexte critique où notre pays est confronté à un phénomène de violence et de meurtre sans précédent. Je salue la présence de tous les professeurs, doyens des facultés, étudiants et membres du personnel de l’UPSEJ. Je pense qu’il est essentiel que les étudiants et les universitaires réfléchissent à la nécessité d’une société haïtienne pacifique et nonmeurtrière.

Le sujet « Le rôle de l’éducation à la paix dans la construction d’une société haïtienne pacifique » est fondamental pour les enseignants et les étudiants de toutes les facultés de l’UPSEJ, notamment la faculté des sciences de l’éducation. La rectrice m’a dit  que l’intérêt pour ce sujet s’étend à l’ensemble du système des Universités Publiques en Région (UPR). Cela constitue un signe positif pour notre campagne visant à intégrer l’enseignement de la paix dans le système scolaire haïtien. J’encourage donc les autres universités, telles que l’Université d’État d’Haïti (UEH), ainsi que les universités privées à travers le pays, à réfléchir sur le phénomène de violence et de meurtres qui sévit dans la zone métropolitaine et dans certaines régions du pays.

Je vais maintenant commencer mon intervention en me concentrant sur au moins trois points. Tout d’abord, je vais définir quelques concepts clés tels que la paix, la paix négative, la paix positive, la violence, la violence directe et la violence structurelle, en m’appuyant sur les travaux du sociologue norvégien Johan Galtung, considéré comme le père fondateur de la discipline des études sur la paix. Ensuite, je présenterai une brève explication de l’éducation à la paix en tant que discipline académique enseignée dans de nombreuses universités à travers le monde. Enfin, j’aborderai ce qui devrait être le contenu de l’enseignement de la paix dans le contexte haïtien.

Définition de la paix

On parle de paix partout : dans l’Église, au travail, en politique, en famille, à l’école, etc. Ce terme est généralement utilisé dans le sens de son origine latine, pax, qui signifie paix, tranquillité et repos. Cependant, la paix ne se limite pas à une simple absence de guerre et de violence.

Johan Galtung, sociologue norvégien et père fondateur de la discipline des études sur la paix, donne une définition approfondie de cette notion. Pour Galtung, « le concept de paix renvoie à une définition positive qui inclut la recherche de la justice sociale et la lutte contre toute « violence structurelle » qui résulte de la pratique du pouvoir étatique» (Graines de Paix, n.d.a). Autrement dit, la violence structurelle est toute forme de contrainte pesant sur le potentiel d’un individu du fait des structures politiques et économiques (Galtung, 1969 ; Gatelier, 2012). Matthew Sparke, professeur à l’Université de Washington, a souligné que :  

La violence « est « structurelle » dans le sens que la souffrance n’est pas produite par des actes de violence individuels directs tels que la violence conjugale, le lynchage ou la torture – même si même ces types de violence interpersonnelle sont clairement liés aux structures sociales (y compris patriarcat, suprématie blanche et militarisme) qui s’étendent au-delà des individus impliqués » (Sparke, n.d). Autrement dit, la violence structurelle est tout « ce qui détruit les  hommes dans leur être psychique, physique et spirituel de manière  anonyme et sans qu’ils soient agressés personnellement par les armes » (Graines Peace, n.d.b, para 1).

Ce que vous devez retenir de la conceptualisation de Galtung est que la paix négative signifie l’absence de violence physique ou de guerre, tandis que la paix positive signifie l’absence de violence structurelle et culturelle. La violence culturelle est définie comme tout aspect d’une culture qui peut être utilisé pour légitimer la violence sous sa forme directe ou structurelle (Galtung, 1990).

En général, les gens accordent beaucoup plus d’attention à la violence directe qu’à la violence structurelle. Par exemple, en Haïti, les journalistes traditionnels, ainsi que les influenceurs des réseaux sociaux, informent quotidiennement le public sur les enlèvements, meurtres ou assassinats de personnes innocentes à Port-à-Prince. Cependant, la plupart d’entre eux n’ont pas cherché à comprendre que ce phénomène de violence directe est le résultat d’une violence structurelle caractérisée par un accès inégal aux ressources, au pouvoir politique, à l’éducation, à la corruption,  à la santé ou à la justice sociale.

Nous ne pouvons pas parvenir à une société haïtienne pacifique si nous n’étudions pas la violence dans sa globalité. Pour comprendre la violence dans sa globalité, il faut mener des recherches sur la violence et la paix à l’université et initier l’enseignement de la paix dans le système éducatif haïtien. Initier l’enseignement de la paix dans le système éducatif haïtien signifie comprendre la relation entre violence structurelle et violence physique. Tant que nous n’aurons pas ce débat critique dans notre société, nous risquons de faire appel tous les cinq ans à des acteurs extérieurs pour nous aider à combattre le phénomène de la violence directe, alors que le véritable problème n’est pas la violence directe, mais plutôt la violence structurelle et culturelle.

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, Archibald MacLeish, poète et écrivain américain, disait : « Puisque les guerres commencent dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être construites les défenses de la paix » (Jones, 2007, para 1). Ces mots sont utilisés aujourd’hui dans le préambule de l’Acte Constitutif de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). Si j’essayais de transposer cette affirmation dans le contexte haïtien, je dirais que puisque l’injustice sociale, l’intolérance, le manque d’esprit de dialogue, le rejet de la paix, la corruption et les meurtres en Haïti commencent dans l’esprit de certains Haïtiens, il faut aussi construire les défenses de paix négative et positive dans leur esprit. Il n’y a pas d’autre moyen d’y parvenir que par une campagne nationale de sensibilisation d’éducation à la paix, de la maternelle à l’université.   

Qu’entendons-nous par éducation à la paix ?

Les définitions que je viens de mentionner de la paix et de la violence peuvent vous donner une idée générale de ce que signifie l’éducation à la paix. L’éducation à la paix englobe d’une manière ou d’une autre la paix négative et la paix positive dans le sens où elle vise à lutter contre la violence physique et la violence structurelle.

Comme le souligne le Dr Tony Jenkins, coordonateur de la Campagne mondiale pour l’éducation à la paix (GCPE), dans sa définition publiée sur le site de cette organisation, « L’éducation à la paix trouve son origine dans les réponses à l’évolution des crises sociales, politiques et écologiques et aux préoccupations de violence et d’injustice » (Jenkins, 2019 ; Global Campaign for Peace Education, n.d). Le professeur Jenkins soluigne que l’éducation à la paix est un « domaine de recherche universitaire et de pratique(s) d’enseignement et d’apprentissage, orienté vers et pour l’élimination de toutes les formes de violence et l’établissement d’une culture de paix » (Jenkins, 2019 ; Global Campaign for Peace Education, n.d). Depuis des décennies, de nombreux chercheurs et universitaires du monde entier se sont engagés dans cette nouvelle discipline universitaire en explorant des techniques permettant de doter les étudiants et les individus des communautés des outils nécessaires pour résoudre les conflits sans recourir à la violence ou au meurtre.

Une autre définition que je voudrais souligner est celle fournie par Susan Fountain, citée sur le site Web de la Campagne mondiale pour l’éducation à la paix. Elle définit l’éducation à la paix comme :

« Un processus permettant de promouvoir des connaissances, des compétences, des attitudes et des valeurs nécessaires pour amener des changements de comportements qui permettront aux enfants, à la jeunesse et aux adultes de prévenir  les conflits et la violence, aussi bien ouverte que structurelle, de résoudre pacifiquement les conflits et de créer les conditions susceptibles de mener à la paix tant à l’intérieur d’une personne qu’entre des personnes, des groupes à l’échelle nationale  comme à l’échelle internationale » (Fountain, 1999, p. 1 ; Campagne mondiale pour l’éducation à la paix, n.d).

Quand on parle d’éducation à la paix, il faut aussi rapidement se référer à Maria Montessori, éducatrice et médecin italienne bien connue pour sa méthode pédagogique basée sur l’apprentissage naturel des enfants. Selon Montessori « Une éducation capable de sauver l’humanité n’est pas une mince affaire ; cela implique le développement spirituel de l’homme, la valorisation de sa valeur en tant qu’individu et la préparation des jeunes à comprendre l’époque dans laquelle ils vivent » (Campagne mondiale pour l’éducation à la paix, n.d). D’autres chercheurs tels que Ian Harris, Loreta Navarro-Castro, Jasmin Nario-Galace, Betty A. Reardon et Cheryl Duckworth, pour n’en nommer que quelques-uns, ont apporté des contributions exceptionnelles dans ce domaine.

J’ai eu le privilège de suivre un cours d’éducation à la paix pendant mes études de doctorat à Nova Southeastern University en Floride avec Dre Cheryl Duckworth. C’est ce cours qui m’a particulièrement inspiré à plaider pour l’enseignement de la paix en Haïti pour lutter contre le phénomène de violence directe et indirecte. Comme je l’ai mentionné au début, les universités du système UPR, dont l’UPSEJ, sont intéressées à se lancer dans cette initiative.

L’éducation à la paix dans le contexte haïtien

Un cours d’éducation à la paix dépend généralement du contexte sociopolitique de la société en question. Enseigner un tel cours dans le contexte haïtien n’aura en effet pas le même contenu avec le développement d’un cours d’éducation à la paix dans le contexte canadien ou américain.

En préparant mon intervention, j’ai essayé de remonter à l’époque où j’étais à l’école primaire dans les années 90 pour voir si j’avais des cours liés à l’éducation à la paix. La première chose qui m’est venue à l’esprit est le livre « J’aime Haïti : Instruction civique et morale » exigé par la plupart des écoles publiques et privées d’Haïti et par le ministère de l’Éducation nationale. C’est un livre qui enseigne aux écoliers haïtiens tout ce qu’ils doivent savoir pour bien servir leur pays. Nous devrions continuer à l’utiliser non seulement dans les écoles, mais également dans d’autres groupes communautaires.

Ne possédant pas ce livre, j’ai découvert sur une page Facebook intitulée « J’aime Haïti : Instruction Civique et Morale », certaines notions qui me rappellent une section du livre traitant de la devise nationale et de concepts comme la Liberté, l’Égalité et la Fraternité. Sur cette page Facebook, les définitions de ces trois concepts étaient exposées de la manière suivante (J’aime Haïti : Instruction Civique et Morale, n.d) :

1) La liberté est le droit de faire ce qui ne nuit pas à autrui, ou le droit que possède chacun d’agir en vue d’atteindre une fin juste.

2) L’égalité consiste à ne favoriser ni défavoriser personne devant la loi qui doit être la même pour tous.

3) La fraternité est un sentiment qui nous amène à considérer les autres comme nos frères et à leur faire tout le bien que nous pouvons.

Je ne suis pas certain si les enseignants continuent à utiliser ce livre dans leurs programmes. Cependant, je crois que son utilisation serait bénéfique dans le cadre d’un cours d’éducation à la paix en Haïti. Si nous inculquons ces valeurs morales dès le plus jeune âge aux enfants haïtiens, cela contribuera à former des citoyens et des dirigeants responsables pour la transformation d’une société haïtienne pacifique.

Un autre élément du contenu d’un cours d’éducation à la paix est la corruption. Cela devrait être un élément essentiel dans le développement d’un cours d’éducation à la paix dans le contexte haïtien, car la corruption endémique représente l’une des formes de violence structurelle qui gangrène notre société.

Il est impératif d’apprendre aux enfants à respecter la propriété d’autrui. Ainsi, lorsqu’ils accéderont demain à des postes tels que président, député, sénateur, maire, CASEC, ASEC, ministre, directeur général, ou à toute autre fonction au sein de l’État ou du secteur privé, ils ne seront pas enclins à détourner des fonds. Nous devons inculquer à nos enfants que chaque centime détourné ou volé des caisses de l’État constitue en fin de compte un vol aux Haïtiens affamés et mal logés, à ceux qui vivent dans les rues sans abri et à tous les enfants privés d’éducation. Il est crucial de leur apprendre que le service public n’est pas un chemin vers la richesse personnelle. Être fonctionnaire public implique un engagement à servir et à défendre les intérêts de tous les Haïtiens sans distinction.

Enseigner des outils de leadership et encourager les étudiants à s’organiser pour prendre des décisions peuvent également être un aspect essentiel d’un cours d’éducation à la paix en Haïti. Les écoles et universités publiques et privées devraient organiser des élections pour permettre aux élèves et aux étudiants de choisir des représentants chargés de les représenter auprès du gouvernement de leur établissement et université. Ce comité ou gouvernement pourrait être composé d’un président, d’un vice-président, ou d’un Premier ministre, ainsi que de parlementaires. Cette démarche pourrait favoriser le développement d’une culture de dialogue, de la tolérance et de l’organisation, ce qui est crucial alors qu’Haïti fait face à une grave crise de leadership et que bon nombre de nos dirigeants politiques sont issus de notre système éducatif. Il est donc essentiel de leur inculquer dès le plus jeune âge des compétences en matière de leadership et de tolérance à l’échec électoral. Le refus d’accepter la défaite électorale a largement contribué à l’instabilité politique et à la violence en Haïti pendant des décennies.

Le dernier élément que je voudrais mentionner est l’approche d’éducation à la paix basée sur les principes de non-meurtre ou « nonkilling ». Permettez-moi de prendre quelques minutes pour expliquer l’origine de ce concept et pourquoi il est important de l’intégrer dans le cadre d’un programme d’éducation à la paix dans le contexte haïtien. Le concept de « non-meurtre » or « nonkilling » a été développé par le politologue américain Glenn D. Paige à travers un ouvrage intitulé « Nonkilling Global Political Science » . Ce livre a déjà été traduit dans plus de 38 langues, dont le russe, le chinois, l’espagnol, l’arabe, le japonais, le Français, et le créole haïtien. Dans ce livre, fruit de près de trois décennies de recherche, Paige remet en question les fondements de la science politique basée sur le meurtre et la violence en posant une question simple. La question est la suivante : une société non-meurtrière est-elle possible ?  (English : Is a nonkilling global society possible ?) (Paige, 2002, p. 22). Sa réponse à cette question est : Oui, une société mondiale sans meurtre est possible ! Maintenant, comment Paige définit-elle une société sans meurtre ? Il définit une société sans meurtre de la manière suivante :

« C’est une communauté d’êtres humains, de la plus petite à la plus vaste, de la locale à la globale, caractérisée par le fait qu’on n’y tue pas les êtres humains et qu’on n’y menace pas de tuer, il n’y a pas d’armes conçues pour tuer les êtres humains et aucune justification pour les utiliser et pas de conditions de société qui dépendent de la menace ou de forces homicides pour le maintien ou le changement». (Paige, 2002, p. 14).  

Mon ancien professeur d’anthropologie politique et culturelle, le Dr Max Paul, a mentionné dans son introduction à la version française de ce livre que « le Professeur Paige démontre que l’émergence d’une société non-violente, sans meurtre, dénuée de toute velléité de menace de tuer et d’ôter la vie à un individu ou un groupe d’individus, est pensable et possible» (Paul, 2005, p. 14). Paige se demande : quelles sont les bases permettant de penser qu’une société nonmeurtrière (nonkilling) est possible? Pourquoi est-il possible de penser que les êtres humains sont capables d’un respect universel de la vie ? (Paige, 2002).

L’une des réponses de Paige à ces questions c’est que « la majorité des êtres humains ne tuent pas. De tous les êtres humains actuellement en vie — et de tous ceux qui ont vécu — seule une minorité sont des meurtriers» (Paige, 2002, p. 55). Pour Paige « Si les êtres humains étaient meurtriers par nature, si même la moitié de l’humanité était inévitablement meurtrière, alors la famille sous ses différentes formes ne pourrait pas exister. Les pères tueraient les mères ; les mères, les pères; les parents, les enfants ; et les enfants, les parents» (Paige, 2002, p. 56).

Les travaux scientifiques de Paige sur la théorie du non-meurtre contredisent la thèse de certains chercheurs selon laquelle l’homme est par nature violent et tueur ou meurtrier. Les trois décennies de recherche de Paige renforcent en quelque sorte la « Déclaration sur la violence » de Séville du 16 mai 1986, où un groupe de spécialistes dans « les disciplines du comportement animal, de la génétique comportementale, de l’anthropologie biologique, de l’ethnologie, de la neurophysiologie, de l’anthropologie physique, de la psychologie politique, de la psychiatrie, de la psychobiologie, de la psychologie, de la psychologie sociale et de la sociologie » montrent, à partir de leurs recherches scientifiques, que les êtres humains ne sont pas par nature violents. Je souhaiterais partager avec vous une synthèse de la déclaration de ces chercheurs, telle que citée par Paige dans son livre sur le non-meurtre. Ils déclarent :

« Il est scientifiquement incorrect de dire que nous avons hérité la tendance à faire la guerre de nos ancêtres animaux (…). Il est scientifiquement incorrect de dire que la guerre ou tout autre comportement violent est génétiquement programmé dans notre nature humaine (…). Il est scientifiquement incorrect de dire qu’au cours de l’évolution humaine, il s’est produit une sélection du comportement agressif plus que d’autres types de comportement (…).Il est scientifiquement incorrect de dire que les êtres humains ont un « cerveau violent » (…). Il est scientifiquement incorrect de dire que la guerre découle de « l’instinct » ou de toute autre motivation unique» (Paige, 2005, p. 69).

Nous devons éduquer nos enfants de manière à les aider à découvrir leur capacité à résoudre ou à transformer les conflits sans recourir au meurtre et à la violence. L’éducation au non-meurtre peut changer la perception selon laquelle les êtres humains sont incapables de cohabiter pacifiquement. Nous possédons tous la capacité de vivre ensemble. Vivre dans une société haïtienne non meurtrière ne signifie pas l’absence totale de conflits entre nous. Comme le souligne Paige, « cela n’implique pas que ce genre de société serait sans frontières, sans différences, ou sans conflits, mais seulement que sa structure et ses processus ne dérivent ni ne dépendent de l’acte de tuer » (Paige, 2005, p. 35). Autrement dit, vivre ensemble signifie que nous nous respectons malgré nos différences et que nous n’utilisons ni la violence verbale ni la violence physique pour résoudre ou transformer les conflits qui peuvent survenir entre nous.

Comme je l’ai souligné tout au long de cette présentation, l’objectif de l’éducation à la paix ou au non-meurtre est d’éliminer le meurtre et les autres formes de violence, qu’elles soient physiques, structurelles ou culturelles. Je crois que le contexte sociopolitique actuel de notre pays nécessite ce type d’enseignement, surtout compte tenu de l’implication de certains enfants et adolescents dans des groupes armés. La plupart des chefs de gangs armés en Haïti recrutent des enfants et des adolescents âgés de 10 à 15 ans pour commettre des actes de violence, de terreur et de kidnapping à l’encontre d’innocents.

Il est donc urgent d’introduire l’enseignement de la paix dans les jardins d’enfants (kindergarten), les écoles primaires et secondaires, les universités, ainsi que dans des institutions comme l’Église. Il est essentiel de fournir à ces enfants, adolescents et jeunes non seulement des techniques de résolution pacifique des conflits, mais aussi de leur inculquer des valeurs telles que le respect de la vie d’autrui. L’État ou le gouvernement haïtien a un rôle crucial à jouer dans ce processus.

En avril dernier, le ministre de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle, M. Nesmy Manigat, a été invité à Washington par le Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS) pour participer à une table ronde sur le thème « Une éducation de qualité pour la sécurité et la croissance économique.» Dans son intervention, le ministre a souligné qu’ « Aujourd’hui, il est de plus en plus reconnu que l’éducation de qualité peut promouvoir le respect mutuel, la tolérance et la pensée critique nécessaires à la paix, à la sécurité et à la réconciliation après les conflits, sans oublier qu’elle contribue aussi à faciliter l’inclusion financière des citoyens » (Loop Haiti, 2024, para 3). Il a insisté sur l’urgence de prendre des mesures non seulement pour garantir le droit à l’éducation de milliers d’enfants, mais aussi pour prévenir le recrutement de certains d’entre eux par des gangs armés (Loop Haiti, 2024). Je pense que c’est un très bon signe pour notre campagne de sensibilisation en faveur de l’enseignement de la paix dans les écoles en Haïti. J’espère que le ministre et les autres autorités concernées prendront les mesures appropriées pour initier l’éducation à la paix dans les différentes écoles d’Haïti.

Sur ce, je tiens à remercier une fois de plus la rectrice, Dre Magdala Jean-Baptiste, d’avoir compris l’importance d’ouvrir le débat sur l’enseignement de la paix ici à l’UPSEJ. Je suis heureux que la rectrice ait déjà envoyé le message à neuf autres universités publiques, et les recteurs de ces universités ont accueilli favorablement cette initiative. Ainsi s’achève mon intervention. Merci à vous tous. Je passe le micro au Dr. Kiria Despinos pour les commentaires et les questions.

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Bio :

Roland Joseph est titulaire d’un doctorat (Ph.D.) en études internationales sur la paix et les conflits. Il est membre du Bureau International de la Paix (IPB) et chercheur au Center for Global Nonkilling (CGNK). Dr. Joseph est l’ancien président du Groupe de travail sur l’Amérique latine et les Caraïbes (LACWG) du Département d’études sur la résolution des conflits à Nova Southeastern University (NSU) en Floride aux États-unis. Ses recherches portent sur la théorie de la science politique du non-meurtre et le désarmement nucléaire.

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